Elle a dû choisir sa vie plutôt qu’une grossesse

Elle a dû choisir sa vie plutôt qu’une grossesse

Jessica Léonard, 24 ans, se considère chanceuse d'être toujours en vie et entend profiter de cette chance pour prendre soin de son fils Isaac.

TROIS-RIVIÈRES | Une femme de 24 ans enceinte était à bout de souffle uniquement à prendre dans ses bras son enfant d’un an. Elle ignorait alors souffrir de malformations cardiaques et d’une maladie pulmonaire. En novembre, Jessica Léonard a dû prendre la décision épouvantable d’interrompre sa deuxième grossesse pour ne pas y laisser sa peau. Une opération à cœur ouvert lui donne une nouvelle chance et elle entend en profiter.

Qu’est-ce qui vous a amenée à aller consulter cet automne? Quand mon garçon a eu un an, j’avais perdu beaucoup de poids. J’étais rendue à 100 livres. Je commençais à être étourdie, j’étais essoufflée­­, j’avais de la misère à me concentrer. Je n’étais plus capable de rien faire. Juste lever mon garçon dans mes bras m’essoufflait. Je le donnais à ma mère ou à mon chum. Ça m’a sonné une cloche. Monter quelques marches était rendu difficile. J’avais l’impression que j’avais couru un marathon.

Vous n’aviez pas de symptômes avant la naissance de votre garçon­­? Pas vraiment. J’ai fait du spinning longtemps, je faisais de la Zumba, même­­ enceinte. J’ai déjà grimpé des montagnes et ç’a toujours bien été. J’ai toujours dit que je n’avais pas de souffle, mais ça ne m’a jamais arrêtée. Ma mère, qui est infirmière à l’urgence, ne s’est jamais posé de questions non plus. Les symptômes sont devenus vraiment­­ plus intenses après avoir accouché­­.

L’accouchement d’Isaac, ç’avait bien été? Oui, ça s’est très bien passé. J’ai eu la péridurale. Maintenant, les médecins se disent que j’aurais pu rester là. Mais personne ne le savait [qu’elle avait de l’hypertension pulmonaire], et moi non plus.

Ça n’a pas dû être facile, d’apprendre­­ que vous ne pouviez­­ pas mener à terme votre deuxième grossesse? Je suis allée à l’échographie cardiaque avec ma mère. On jasait du prénom de bébé. On ne s’attendait pas à ça. On nous a amenées dans une salle à part. Le spécialiste m’a dit qu’il voyait de l’hypertension pulmonaire et qu’il ne savait pas si je pouvais garder mon bébé. Par la suite, il m’a dit que si je gardais l’enfant, il y avait des risques que je meure et l’enfant aussi, que ce soit pendant la grossesse ou à l’accouchement­­. Ma mère et moi avons pleuré. Il était voulu, cet enfant-là.

Une grossesse aurait été trop dure sur votre corps, mais j’imagine que la dernière décision vous appartenait? Oui, mais si j’avais attendu la fin de ma grossesse, j’aurais peut-être été morte. Si j’avais survécu, je n’aurais pas été forte. Tant qu’à laisser mon conjoint avec deux enfants, ou mourir enceinte et le laisser seul avec mon garçon, on a choisi de me soigner. Mon conjoint était d’accord. Il fallait sauver ma peau. Oui, c’est plate de se faire avorter, mais on ne savait pas encore le sexe. J’avais huit semaines de grossesse et je n’avais pas eu ma première échographie. On n’avait pas commencé la chambre du bébé. Je n’ai rien vu, je n’ai rien su. Dans un sens, c’est comme­­ moins pire.

Est-ce que vous pourrez avoir d’autres enfants? Une grossesse, c’est trop demandant pour mon corps, pour mes organes. En même temps, le médecin m’a dit de ne pas aller me faire couper les trompes tout de suite. Il m’a dit qu’après avoir voulu me donner la vie, il voulait me donner une grande famille­­. Mais, en étant réaliste, on sait qu’on ne pourra pas en avoir. S’il y a un risque de mortalité, on ne le prendra pas.

On vous a également découvert une malformation du cœur? Même moi, j’ai vu le trou dans mon cœur. Sur le coup, je me suis dit: ça y est, je meurs, j’ai un trou dans le cœur. Mais le docteur m’a expliqué que c’était une bonne nouvelle. Et là, j’ai vu le sourire de ma mère s’élargir. Il m’a expliqué qu’on pouvait fermer le trou et que l’hypertension pulmonaire diminuerait probablement d’elle­­-même.


Jessica Léonard après son opération à cœur ouvert.

Et à force d’examens, une opé­­ration à cœur ouvert s’est imposée­­? J’avais une des veines principales qui n’était pas du bon côté du cœur. J’avais trois veines d’un bord, et une de l’autre, au lieu de deux de chaque côté. Grâce à l’opération à cœur ouvert­­, on a redirigé la veine, et on a remplacé la veine principale. On m’a mis une veine bovine. On m’a branchée sur un cœur arti­ficiel tout le long de l’opération qui a duré sept heures.

Est-ce que vous étiez inquiète tout juste avant? Sur le coup, j’avais hâte que ce soit fini­­. La veille, mon conjoint était venu dormir avec moi. J’étais confiante. J’avais réussi à dormir­­ un peu. Mais quand ils sont venus me chercher, je ne voulais plus partir. Je me suis mise à pleurer. Tout le monde m’a fait un câlin, mes deux frères, mon père, ma mère, le chum de ma mère, mon chum. Ils m’ont mise sur la civière. Je pleurais beaucoup. Mon petit frère et mon conjoint sont descendus avec moi et ils m’ont suivie jusqu’au bloc opératoire­­. Et là, on s’est fait des bye-bye. Heureusement, tout s’est bien déroulé. Je me suis réveillée et je n’ai pas eu le temps de penser. J’étais intubée, je voyais du monde qui grouillait autour de moi, mais je ne réflé­chissais pas. Dès le lendemain par contre, je pouvais­­ parler. J’étais contente. Là, je me suis dit: “OK! Je suis encore là.”

Une semaine après être sortie de l’hôpital, vous avez reçu de bonnes nouvelles? J’ai monté une vingtaine de marches chez ma mère et je n’étais pas essoufflée. J’en avais les larmes aux yeux. J’ai aussi appris que la pression dans mes poumons avait diminué de moitié. J’étais passée de 100 à 50. Une personne normale, c’est entre 20 et 30. Pour l’instant, je n’ai même pas de médication à prendre. Tout de suite, j’ai voulu amasser des sous pour la Fondation de l’hyper­tension artérielle pulmonaire du Québec. Il fallait que je fasse de quoi. J’ai choisi d’organiser un souper spaghetti et de lancer une campagne­­ de financement sur Go Fund Me.

Vous devez vous sentir soulagée, même si le cardiologue ne veut toujours pas que vous preniez votre garçon dans vos bras? Je me sens vraiment bien. Je ne ressens plus la pression dans mon cœur. Si je m’écoutais, j’en ferais un peu plus, mais j’attends le OK du cardiologue, que je vois le 2 février. Bon, ça m’est arrivé de prendre mon garçon depuis­­ l’opération, parce que je m’ennuie et que je suis contente. Mais ç’a fait un peu mal parce qu’on m’a ouvert la cage thoracique. Alors, j’essaie d’écouter ce que les médecins disent et d’attendre un peu.

Entre-temps, vous poursuivez vos études en soins infirmiers? C’est encore plus ce que je veux faire­­, avec ce qui m’est arrivé. Je veux aider les autres. Savoir ce que les patients et les familles peuvent ressentir, ça m’a apporté quelque chose de plus. Je pourrais peut-être me retrouver en cardiologie, qui sait? Je pense qu’il faut que je sois là.

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